Fête des battages en Messidor.
CARVÈS
Quand le poète dantonien Philippe-Nazaire Fabre -dit d'Églantine- donna de fort jolis noms aux mois du calendrier laïque, concocté, en 1792, pour supplanter le calendrier grégorien, il imagina Messidor, mois des moissons, qui, juste après le solstice d'été, bousculait Prairial, le mois des fauchaisons.
Notons que lors de la St Jean, le 24 juin, dans notre ruralité profonde, les paysannes avec un brin de superstition et un brin de religiosité élaboraient des croix de St Jean qu'elles fixaient à l'entrée de leurs demeures. Ce rituel plaçait les récoltes -et au-delà tous les travaux des champs- sous la protection de l'Être suprême.
N'hésitez pas à cliquer sur les images pour les agrandir.
La fête de Carvès, petit village perché sur son "pech" qui scrute l'horizon vers la Bessède, depuis des temps immémoriaux, se place le deuxième dimanche de juillet. Le comité des fêtes, piloté par son président J-Paul Dussol, se plait à redonner à cette fête des reliefs agricoles d'antan. Cela n'empêche nullement, bien au contraire, de permettre quelques promenades équestres.
Marcel Pagnol, décrivant un temps fort d'une partie de boules*, précisait que le cochonnet devait "soleiller". La précision du tir, dans une zone d'ombre, pouvait être altérée.
Une superbe exposition de tracteurs.
La page s'honorerait de recevoir des précisions sur les modèles de tracteurs ci-dessous.
Notre conciliateur s'est montré fort intéressé par l'exposition des tracteurs.
Ici un engin atypique. Le moteur placé à l'arrière permettait de positionner un outil à l'avant. L'avantage de ce système était que le conducteur visionnait son travail sans avoir à se retourner en permanence. L'ergonomie n'est donc pas une invention post soixante-huitarde.
Ford, pas celui de "la chevauchée fantastique", a tout de suite compris qu'il y avait une part de marché considérable à saisir au début du XXème siècle. Le Fordson major, largement mi-séculaire, relaya le modèle des années 20 qui était équipé de roues en fer sans pneumatiques.
Pour Alice, Toulousaine en vacances, ce monde de mécanique agricole n'évoque pas grand chose. Ses racines paternelles la ramènent dans ces collines où ses trisaïeuls ont à peine vu venir les premiers tracteurs agricoles.
Un vaillant Case en parfait état.
Quand on dressait un chantier de battage dans les fermes de nos parents ou grands-parents, parfois, il était difficile de trouver un espace adéquat permettant de mettre en ligne l'engin qui actionnait la courroie, celui-ci relaya, après guerre, les vénérables installations mobiles, la batteuse et la presse.
Nos anciens tenaient à ce que le chantier soit dans la cour de la ferme, dénommée sol, pour que les animaux de la basse cour viennent picorer les reliefs du battage. On ne gâchait rien à cette époque.
Le modeste mais vaillant petit N 73, conçu par la firme Renault, était au tout début des années 60 le tracteur idéal pour les micro-exploitations dont la superficie était bien souvent inférieure à la dizaine d'hectares.
Il faut surveiller la presse et enclencher le fil de fer pour botteler.
Germain Picardino, au premier plan en bas, ne sait pas "débrancher" après tant d'années passées des semailles aux moissons**.
La paille et le grain***, grâce à cette superbe batteuse, élaborée dans la cité de Vierzon qui fut un bastion de mécanique agricole, ont été séparés. Deux aînés, admiratifs de cette action qui fascinait jadis, surveillent la mise en sacs.
Quand "on" procédait au battage on confiait la mission de mise en sac à quelques aînés qui cédaient à leurs cadets la charge de porter les sacs de 85 kg vers le grenier ; parfois en devant emprunter une échelle pour atteindre le lieu de stockage.
Jean-Claude toujours fidèle à cette fête de Carvès ne manquerait pour rien au monde cette manifestation de notre ruralité.
Tous ces seniors savent combien leurs bisaïeuls ont apprécié la venue des premières batteuses qui ont relégué au rang des souvenirs l'antique fléau.
Au tout début des années 50 les populaires batteuses se voyaient concurrencées par les moissonneuses-batteuses et, vers 1970, les dernières batteuses prenaient la sortie. Cette brève épopée se terminait. Pendant un demi siècle ces merveilleuses machines ont été les pièces maîtresses de l'animation paysanne. Ces pénibles journées de battage étaient l'occasion de réunir les forces vives rurales avec des accents quasi-festifs. On parlait des battages, certes, mais surtout des petits évènements qui se produisaient lors de ces journées. Les paysans les plus humbles mettaient un point d'honneur à bien recevoir leurs voisins et leurs épouses rivalisaient de finesse pour les repas bien animés et, parfois, bien arrosés.
Les battages, en principe, s'échelonnaient entre fin juillet et début septembre.
Lors de ces battages "on" mesurait, souvent avec déférence et considération, la "puissance" des exploitants. Ils font tant de sacs de blé, comme on disait ils écoulent tant de barriques ou ils plantent tant de pieds de tabac.
Après les battages les exploitants faisaient venir le crible. Cet outil servait surtout pour sélectionner les meilleurs grains pour les prochaines semailles.
Quand le grain est bien sec on peut et, souvent, on doit, le moudre. Cet ingénieux moulin des années 30 a du, lui aussi, émerveiller nos ancêtres.
Photos Pierre Fabre.
* "La partie de boules". Chaque joueur de boules qui se respecte lui-même doit connaître la fameuse scène de la partie bloquant le tram dans le film Fanny, écrit par Marcel Pagnol et mis en scène par Marc Allégret en 1932. Sans aucun doute, elle a contribué à l'immense popularité de la pétanque, née vingt-cinq ans plus tôt à La Ciotat, même s'il s'agissait d'une partie de jeu provençal ! De surcroît, cette scène a inspiré nombreux peintres et dessinateurs, particulièrement dans le domaine de la carte postale humoristique.
Ce qui est beaucoup moins connu, c'est qu'un roman intitulé Pétanque de Toulon voyait le jour la même année que le film de Marcel Pagnol. L'auteur de ce roman était Henri Raymond, et ce qui est fort étonnant, c'est qu'on trouve dans son livre la même scène, dans laquelle un tram est arrêté par une partie de boules ! Le chapitre est même pourvu d'une illustration de la main du célèbre dessinateur/écrivain - et héros ultérieur du maquis ! - Jean Bruller, dit Vercors (1902-1991).
** "La paille et le grain". Essai Fr Miterrand 1975. J’ai vécu mon enfance au point de rencontre de l’Angoumois, du Périgord et de la Guyenne. Je n’ai pas besoin qu’on me raconte d’histoires sur la France. Ce que j’éprouve d’elle se passe d’éloquence. J’ai vécu des saisons entières en pleine nature dans une famille nombreuse et solitaire. F.M.
*** "Les Semailles et les moissons", roman d'Henri Troyat, 1953, grande saga familiale, en cinq volumes, nous conduit, de la fin du XIXème siècle de la ruralité corrézienne à la Libération de Paris.
La France en a vu d’autres. Et elle s’est toujours ressaisie. Je crois moi, que les champs, les arbres, les pierres, les bêtes, feront le bonheur des hommes malgré eux. Tout s’arrangera, à cause de la terre, qui ne demande qu’à verdir et à donner des moissons. H.T
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