L'Écho bat de l'aile.
Le journal L'Écho Dordogne bat de l'aile. La presse, en général, est en proie à une crise financière qui l'interpelle depuis bien des années. Cette interpellation concerne moins les titres provinciaux en situation de quasi-monople, voire de monopole, que les journaux à faible tirage.
Le lectorat se réduit pour plusieurs raisons. On s'abonne de moins en moins. Le lectorat modeste trouve qu'investir dans un abonnement à la P.Q.R, presse quotidienne régionale, représente une somme qui ne paraît pas être une priorité. On achète le journal au kiosque si l'on a une motivation pour le faire ; recherche d'un article particulier, disponibilité intellectuelle pour la lecture, besoin d'avoir un papier à lire le temps d'un trajet effectué par le train ou pour patienter dans une salle d'attente pour un rendez vous.
Situons L'Écho Dordogne, jadis identifié L'Écho du Centre. Il s'agit d'un journal quotidien régional de la presse écrite française. Il paraît en Limousin, dans l'Indre et en Dordogne. Ses intitulés épousent les départements qu'il couvre ; L'Écho Dordogne, L'Écho Corrèze, L'Écho Creuse… Sa ligne éditoriale est clairement à gauche, clairement antilibérale.
Les derniers chiffres de L'Écho Dordogne se situeraient autour de 40 000 exemplaires. Le quart reviendrait à l'édition dordognaise, avec une implantation beaucoup plus forte dans le nord du département. Rappelons que la plume belvésoise de L'Écho Dordogne, depuis une quarantaine d'années, n'a jamais changé de main et c'est Kléber Ferret qui, bénévolement, représente le journal dans son secteur.
Pierre Fabre.
Un peu d'histoire. [Source Wikipédia] En 1943, en pleine guerre, le nazisme règne dans toute l'Europe. C'est dans une ambiance de lutte inégale et inexpiable que paraît, le 22 septembre 1943 une "feuille de chou" inattendue, "VALMY !" (avec un point d'exclamation), l'embryon clandestin de ce qui allait devenir "L'Écho du Centre". Simple recto-verso, format discret feuille de bureau pour pouvoir être diffusé clandestinement, le premier numéro, tiré à 8 000 exemplaires, était un appel direct à la résistance de masse. Dès la parution de cette publication, la Gestapo et la police française se mirent en chasse. Leur premier objectif fut de trouver l'imprimerie qui avait pu faire le travail mais c'était peine perdue. En effet, pour imprimer le journal, les caractères typographiques avaient été collectés dans différents ateliers et remis ensuite en place, avec la complicité des ouvriers du livre. Le numéro 2 doubla son tirage, 16 000 exemplaires, et fut diffusé dans toute la circonscription qui s'appelait alors la Région 5 de la zone dite libre, et qui réunissait le Limousin, l'Indre et la Dordogne ; un territoire qui, soixante ans après, est toujours la zone de diffusion de "L'Écho". Puis arrive le débarquement allié, le 6 juin 1944. En Limousin, en Périgord, en Berry, la bataille fut violente et ininterrompue jusqu'à la libération de la région, fin août. "VALMY !", dans sa lutte finale, tint son rôle ; lorsque l'étau maquisard du colonel Guingouin commença à se refermer sur la garnison allemande de Limoges, il avait publié dix-neuf numéros. Le mercredi 25 octobre, le journal parut enfin au grand jour, prit pignon sur rue et devint L'Écho du Centre, quotidien d'information du Front national" (rien à voir avec l'inquiétant parti de Marine Le Pen ; ce front-là était le réseau organisé autour du parti communiste clandestin). Le nom de "VALMY !" figurait encore, en grisé, sous le titre principal. |
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" Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire. " |
Voltaire. |
Un journal qui fut d'opinion. L'Écho se révéla un titre très attentif aux problèmes quotidiens et à l'information locale. Cette adhésion aux problématiques de ses lecteurs fortifia son enracinement dans son terroir. Pendant la guerre froide le combat idéologique fut rude. Tous les journaux étaient en quelque sorte engagés, personne ne faisait dans la nuance. À Limoges, le Populaire publiait les diatribes anticommunistes de Jean Le Bail - le feuilleton "Limousin terre d'épouvante", pour accabler le résistant Georges Guingouin. Limoges fut l'unique grande cité française libérée par la seule Résistance. L'éphémère maire libérateur de Limoges, payé de l'ingratitude de ses concitoyens, venait de perdre son écharpe et d'être exclu du Parti communiste cependant le sénateur S.F.I.O, celles et ceux qui écrasent ou font fi de la sémantique diraient "socialiste", Georges Lamousse, qui rédigeait des manifestes pour l'Algérie française, qui cachaient à peine sa "compréhension" pour les terroristes de l'O.A.S tirait à boulets rouges sur ce tribun. L'Écho bataillait tous azimuts, sans éviter les excès ni les ridicules.
À feuilleter les collections, "L'Écho" prit la place, la juste place, des progressistes lors des douloureuses guerres d'Indochine et d'Algérie et, naturellement, s'exposa à la censure. Journal d'opinion il se fit porte parole des grands mouvements sociaux et paysans, citons le Comité de Guéret et les années 1947, 1953, mai 1968 et décembre 1995. Hostile au fascisme et à la "présence" française dans les colonies il fut plusieurs fois saisi et connut les problèmes de la répression policière. L'Écho se rangea aux côtés des défenseurs de Thiennot... mais qui s'en souvient !
Les turbulences de la gauche de transformation sociale. Si la gauche mondaine, social-libérale, ouvre un râteau, plus que large, allant d'un ministre que d'aucuns trouvent très proche des théories lepénistes, à des personnalités moins éloignées du "socialisme", la gauche de transformation sociale, elle, se massacre sur ses divergences, voire même sur ses nuances. À la fin des années 1980, avec l'épopée Juquin, une nouvelle épreuve se profile. Pour des raisons politiques, de nombreux dirigeants et rédacteurs de "L'Écho" démissionnent. Ces remous coupent en deux la rédaction. Plus grave : ils divisent les lecteurs. Durant quelques semaines, il pleut des résiliations d'abonnement.
Le 20 octobre 1988, rien à voir avec l'incident précédent, un incendie se déclare dans l'imprimerie. Les locaux sont détruits et la rotative est hors d'usage. Cette fois, cela ressemble bien à un coup de grâce. Mais non, car dès les jours suivants, la solidarité s'organise. Des milliers de dons affluent. Le journal va continuer à sortir, sur la rotative du Populaire, concurrent mais solidaire, et les 25 millions de francs nécessaires à l'installation d'une nouvelle rotative seront trouvés.
Toutefois, L'Echo est bien en état de faillite. Une réorganisation complète est souhaitée et nécessaire : la partie édition prend le nom de Société nouvelle L'Écho La Marseillaise (SNEM), la publicité sera gérée par un service spécialement créé et l'imprimerie du quotidien devient l'imprimerie Rivet, s'ouvrant à l'impression d'autres publications, tracts, magazines... Cela ne suffira pas : en 1994, la société éditrice doit déposer le bilan, le redressement judiciaire est accepté. Le journal doit alors trouver de nouveaux actionnaires et fait une nouvelle fois appel à la solidarité. L'indépendance est assurée par la création d'une association, « Pluralisme », qui possède 62 % du capital de la nouvelle organisation. Le complément étant assuré par le quotidien national Le Monde (10 %), les quotidiens régionaux Centre-France, Sud Ouest (5 % chacun), et par des investisseurs privés régionaux.
"L'Écho" a alors coupé ses liens avec le Parti communiste pour devenir un journal indépendant, ouvert aux autres sensibilités de gauche. Sur la forme, le passage du format A2 encombrant au format tabloïd, celui d'un quotidien classique plié en deux, et un intérêt plus marqué pour la photographie lui ont donné un coup de jeune.
"L'Écho" journal issu de la Résistance quand les grands titres s'accommodaient du maréchal félon, compagnon de toutes les luttes ouvrières et paysannes, ne fait pas recette comme ses concurrents jugés plus "lisibles" et plus feutrés. Mérite-t-il de s'exposer à disparaître ? C'est, en grande partie, le problème de la pluralité qui est en jeu.
L'énorme difficulté de la pluralité de la presse en difficulté n'est pas de sensibiliser la population. Tout le monde, ou à peu près, en est conscient. La problématique est qu'il paraît bien difficile de faire adhérer à ce concept les citoyens pour qui la survie d'un titre est le cadet des soucis.
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