Le benjamin du Conseil régional répond à une série de questions.
L'ultime semaine de l'année correspond à la trêve des confiseurs. Pendant ces derniers jours de l'année on fait l'impasse de discussions des enjeux politiques. Si ce blog s'affranchit de cette tradition, c'est que les deux personnalités interviewées ont été un peu longues à répondre aux questions posées et attendre 2016 pour les mettre en page aurait fait un peu... "réchauffé".
Le suffrage universel a ceci de commun avec les cors au pied; parfois, il fait terriblement souffrir. Celles et ceux qui ne jouissent pas du privilège d'être largement surreprésentés trouvent qu'avec un système de dés plus que largement pipés, le résultat ne correspond en rien à leurs attentes et trouvent choquant et scélérat que les citoyens ne soient pas en situation d'égalité. Ainsi les minorités, surtout celles qui, heureusement, n'ont pas voulu, ou su, faire une allégeance vassale aux puissants, sont éradiquées ou représentées d'une façon parfaitement dérisoire. Au sein des ''mammouths'', qui se partagent le gâteau, on déploie l'argumentaire hautement fallacieux de nécessité inique de cet écrasement qui avantage les seuls thuriféraires. L'autre composante, la plus inquiétante, héritière, entre autres, des "valeurs" du sinistre maréchal, certes, a en partie échoué mais elle attend son heure sachant que ses deux concurrents, d'aucuns diraient comparses, comptables de la situation désastreuse de notre pays, eu égard à son endettement, à son chômage immaîtrisable et à sa Sécurité sociale moribonde, ne feront rien qu'être des gestionnaires de carrières de certains profils et gâcher outrageusement les deniers publics comme le fait le ''monarque'' pour aller, aux frais des contribuables, en Falcon déposer son bulletin de vote devant une kyrielle de ''courtisans'' idolâtres et serviles rampant à ses pieds.
Dans ce contexte, particulièrement angoissant pour la survie du fragile reliquat de démocratie de notre pays, ce blog a voulu donner la parole à Benjamin Delrieux, benjamin du conseil régional aquitain, une étoile montante de cette ''majorité" contemporaine où il se sent… parfaitement à l'aise.
- 1. Vous venez d’être élu au cœur de la liste se réclamant de la majorité présidentielle. Donnez-nous vos premières impressions.
Tout d’abord, une certaine joie de voir notre liste l’emporter en Dordogne et plus particulièrement dans le Belvèsois. Cette joie est cependant pour moi relative car elle ne doit pas nous faire oublier les terribles attentats de Paris du mois de Novembre et que près d'un électeur sur quatre a voté pour un parti extrémiste, le FN.
Ensuite je mesure le poids de la tâche qui nous attend, celle de construire une nouvelle identité régionale tout en mettant en œuvre des politiques régionales au service du développement de l'ensemble des territoires de notre grande région.
Enfin, je suis fier de devenir à 24 ans, le benjamin de cette assemblée et de démontrer qu'il n'y a pas d’antinomie entre la jeunesse et l'engagement.
- 2. En 2012, les sondages d’opinion faisaient ressortir que nos concitoyens désapprouvaient les cumuls et aspiraient à connaitre des élus détenteurs d’un mandat unique. Il faut bien admettre que cette idée n’a jamais dépassé le stade du vœu pieux. Nos concitoyens, aussi cohérents et honnêtes qu’ils aient pu l’être, ont allègrement ‘’rétropédalé’’ dans ce concept. Il est toujours plus facile d’être élu en cumulant qu’en postulant vierge de tout mandat. Les parlementaires cumulards, en général, sont plébiscités pour acquérir ou conserver leurs mandats locaux. Pensez-vous que cette exception française du cumul soit un particularisme digne d’éthique ou un chef d’œuvre de perversité, de fausseté et d’altération.
Cette spécificité française qu'est le cumul des mandats relève, selon moi, d'une responsabilité partagée entre les citoyens et les décideurs. Des citoyens frileux à l'idée de renouveler le personnel politique et des décideurs peu enclins à passer la main.
Pour mettre un terme à cette spécificité, il a fallu du courage, notamment pour remuer les conservatismes des baronnies locales et faire adopter la loi interdisant le cumul entre un mandat de parlementaire et un mandat dans un exécutif local. Je me réjouis que le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault ait fait passer cette loi qui est un véritable progrès démocratique. Beaucoup et durant longtemps ont dénoncé le cumul mais peu ont eu le courage d'y mettre un terme. J'attends 2017 avec impatience pour voir les effets salutaires de cette loi pour notre démocratie.
- 3. Que pensez-vous de l’acharnement du vote utile qui, en 35 ans, a éradiqué le P.C, ancienne famille dominante, et d’autres sensibilités torpillées et laminées par cette méthodologie.
Il est bien trop simple de réduire la chute du PC à la seule question du vote utile. Les raisons de l'effondrement du vote communiste sont multiples.
Quant à la nécessité du vote utile, elle est apparue de concert avec la progression du vote FN et le risque de voir ce parti priver la gauche de second tour (cf. 2002). La question du vote utile est inhérente à la substance de nos modes de scrutin, en l'occurrence le scrutin majoritaire.
- 4. La République est un vivier de cumulards des plus modestes élus au sommet de la hiérarchie élective. Vous figurez dans l’équipe municipale sioracoise. D’aucuns pensent, à tort ou à raison, que vous allez, plus tard, ceindre l’écharpe de maire de Siorac. Cette hypothèse de cumul vous paraît-elle probable, possible, prématurée ou déplacée.
Les électrices et les électeurs de Siorac trancheront le moment venu. Cette hypothèse de cumul reste bien entendu possible car légal et concernant deux mandats complémentaires. Cela ne relève pas d'un cumul important. Naguère, certains ont occupé les mandats de maire, conseillers général et régional et président de communauté de commune, ce temps-là est révolu.
- 5. Les conseillers régionaux sont, à l’heure actuelle, fort méconnus et paraissent éloignés de leurs électeurs. Ce schéma de listes plurinominales vous parait-il parfait, acceptable ou incohérent.
La méconnaissance des conseillers régionaux ne relève pas du mode de scrutin mais de l'exercice du mandat. Un élu ancré dans son territoire et œuvrant pour l'intérêt de celui-ci comblera ce déficit de notoriété.
Ce mode de scrutin n'est certes pas parfait mais permet au delà de 10% une représentation proportionnelle et au delà de 5 assure une représentation dans l'assemblée en cas de fusion. Ce que certains dénoncent comme un scrutin inique ont été les premiers à venir frapper à la porte des listes en tête pour les rejoindre lors des seconds tours.
- 6. Tous les élus, en général, se disent les élus de tous. La Dordogne en général et même Siorac, qui fut, en son temps, une localité bourgeoise, traînent un passé, certes évanescent, d’attachement à une gauche fermement progressiste issue de la Résistance. Cette famille progressiste, par le truchement d’une loi scélérate privilégiant les plus forts et écrasant les plus faibles, ne sera, hélas, plus représentée dans de nombreux conseils régionaux dont le vôtre. Vous sentirez-vous, pendant ces six années à venir, dans l’hostilité la plus affirmée à cette mouvance ou plutôt un appui discret de cette sensibilité anéantie par un scrutin tronqué, anti-proportionnel puissance x, qui a réalisé la liquidation des mouvances qui n’ont pas accepté d’être inféodées.
Je suis petit-fils d'un résistant communiste ayant combattu dans les bataillons de Soleil, j'ai grandi avec les idéaux communistes. Je n'ai aucune hostilité vis à vis des militants et élus communistes, bien au contraire. Dans la construction de notre histoire commune, les communistes ont été des acteurs de premier plan.
Je refuse que l'on mette les personnes dans des cases en fonction de leur appartenance à un parti politique, on peut être socialiste et révolutionnaire, socialiste et résolument progressiste. Je me revendique comme étant progressiste et humaniste donc pragmatique, je souhaite faire primer avant les intérêts personnels ou les dogmes, l'intérêt de notre territoire et de ceux qui y vivent.
- 7. Le 11 décembre, à Fongalop, le conseil communautaire a été interpellé par le président de ‘’Périgord rail +’’ qui a manifesté ses inquiétudes pour la survie de la ligne Périgueux-Agen. Claudine Le Barbier, à titre d’élue, mais aussi à titre personnel, a toujours pris le parti de la vitalité de la ligne Périgueux-Agen. Dans une moindre mesure on peut également dire que J-Pierre Riehl se sent agacé par cette complexité de préservation de cette ligne qui, néanmoins, est une artère historique et humaine et qui mériterait, au niveau de la continuité territoriale, d’être maintenue. Le conseil régional peine à affirmer cette maintenance dans son schéma. Pensez-vous, qu’au cours des 6 ans à venir, vos collègues et vous-même en feront une priorité.
Cette ligne et son maintien sont pour moi la première des priorités car il en va du dynamisme de notre territoire. Alain Rousset s'est engagé durant toute la campagne à maintenir toutes les lignes de TER dans la grande région et notamment la ligne Périgueux-Agen qui est un axe essentiel pour la vitalité de notre territoire.
La question de la mobilité est la première des questions à laquelle nous devons répondre : tant sur le désenclavement ferroviaire du Sarladais que sur le maintien de la ligne TER Périgueux-Agen. Demain, Bordeaux sera à 2h de Paris, il n'est pas acceptable de mettre plus de temps pour faire Sarlat-Bordeaux. Il faudra donc maintenir les investissements prévus sur cette ligne et travailler sur le cadencement.
En tant que conseiller régional mais surtout en tant qu’usager je me battrai pour qu’aucun territoire ne soit privé du rail.
- 8. Le mille-feuille des strates de la vie politique fait que notre pays accumule les dépenses de tous ces échelons. On parle plus ou moins du concept de communes-nouvelles qui ne fait pas recette dans la ruralité profonde. C’est surtout, au premier chef, une bataille d’ego. Le président de la République avait laissé entendre qu’il n’était pas défavorable à un toilettage des départements et des conseils généraux ; ce qui a provoqué la colère des barons. Dans ce capharnaüm de bataille d’ego il faut, tout de même, reconnaître que les départements sont plus que bi-séculaires et les régions à peine mi-séculaires. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait savoir où l’on va.
Le problème n'est pas la multiplicité des strates mais l'absence de frontières tangibles entre les compétences de chacun. Je me réjouis de la loi NOTRe qui est venue clarifier les compétences entre le département et la région, les compétences sociales de proximité pour le Conseil départemental et les compétences économiques et de mobilité pour le conseil régional. La clarification des compétences est indispensable à une meilleure lisibilité de l'action des collectivités et à une meilleure efficacité de l'action publique, c'est le sens de la suppression de la clause générale de compétences.
Je n'ai pas le sentiment d'avancer dans le brouillard car les compétences sont aujourd'hui bien réparties et les collectivités se voient sanctuariser dans leurs champs d'interventions respectifs.
- 9. Le F.N a imaginé, pour dénigrer les collusions ‘’sarkoso-hollandistes’’, pas si rares, l’U.M.P.P.S, onomatopée certes volontairement cinglante. Sans avoir la moindre sympathie pour cette famille très inquiétante, force est de remarquer que pour l’article 49.3 de la Constitution les deux ‘’mammouths’’ ont la même lecture… inadmissible quand ce sont les autres qui l’utilisent et outil cohérent quand on l’emprunte soi-même. Ne pourrait-on pas imaginer des élections à la proportionnelle intégrale, dans toutes les instances, en s’inspirant d’un principe du type 49.3 qui ferait que la majorité impulse ses théories avec un principe d’irrecevabilité s’il y a une majorité contraire.
La majorité, c'est le gage de la gouvernance du pays. L'histoire démontre les difficultés engendrées par les scrutins proportionnels qui ont fait naître en France, des périodes d'instabilité gouvernementale, notamment sous la IVe République, car le pays ne disposait pas de majorité gouvernementale stable.
Afin d'éviter des majorités de circonstance, il convient, selon moi, de maintenir le scrutin majoritaire tout en y ajoutant un scrutin proportionnel portant sur une centaine de sièges.
- 10. Pour beaucoup de nos concitoyens, les nouvelles régions vont certainement coûter encore beaucoup plus cher que les précédentes. Sans trembler, pouvez-vous démontrer le contraire.
Sans trembler, je peux affirmer que ces nouvelles régions ne coûteront pas plus cher dans la mesure où il n'y aura pas de nouvelles embauches d'agents territoriaux. Elles ne coûteront pas plus cher car elles vont aussi permettre de réaliser de réelles économies échelles (fournitures, approvisionnement des lycées, rationalisation des services et des moyens).
- 11. Nos concitoyens pensent, à tort ou à raison, que les hommes et les femmes politiques n’ont qu’une idée en tête ; leur carrière, autant que faire se peut la plus élitiste et la plus longue possible. Trouvez-vous que ce professionnalisme politique est un atout ou l’enfouissement de la citoyenneté captée par une minorité. L’harmonie populaire voudrait que les prérogatives soient le plus renouvelées possibles et permettent à un maximum de citoyens d’accéder aux leviers. En d’autres termes, souhaitez-vous, comme tant d’autres, vous incruster durablement où, au plus tôt, voir poindre des têtes nouvelles aptes à faire vivre une salutaire et vivifiante transmission du pouvoir et, comme Cincinnatus, reprendre place dans la vie active courante.
C'est aujourd'hui le sens de mon engagement et de ce qui m’a poussé en politique : le renouvellement, à la fois générationnel et des pratiques. Il n'est plus acceptable de s'attacher à ses mandats 30-40 ans sans faire émerger de nouvelles figures. La démocratie a besoin d’un souffle nouveau.
Sans faire de jeunisme, j’ambitionne de faire de la politique autrement en tenant un discours de vérité, sans langue de bois et en associant plus largement les citoyens.
A titre personnel, je refuse de montrer un visage professionnel de la politique, je préfère y opposer celui du militantisme politique. Pour cela j'ai décidé de conserver mes activités professionnelles en aménageant mon temps de travail afin de conserver un pied dans le monde du travail et au fait avec la réalité de celui-ci.
Et comme Cincinnatus, j'aspire à revenir, un jour et pas dans 50 ans à mon potager, ma basse-cour et mes ruches.
- Auriez-vous pour celles et ceux qui se sentent laissé-pour compte une note optimiste à leur proposer.
Qu'il existe, ici et ailleurs des élus qui se battent et se battront pour eux. Mais que je crois surtout en la capacité des élus locaux à changer la vie de nos concitoyens.
Comme le dit Serge Utgé-Royo "la vie est belle à partager".
Questions subsidiaires.
- 1. Certains esprits nostalgiques conservent de l’idéal socialiste cette vieille notion inculquée jadis. ‘’Système exclusivement laïque et républicain qui réalise l’appropriation collective des moyens de production et de distribution dans la tolérance, l’équité et la générosité ‘’. Ce concept, aujourd’hui, parait, pour beaucoup de citoyens, totalement obsolète, ringard et utopique. Il y a quelques décennies, les ‘’socialistes’’, taxés de socio-démocrates, prenaient cette appellation presque comme une offense. Socialistes contemporains et libéraux sont devenus des variantes totalement imperceptibles pour le commun des mortels. Pouvez-vous définir, par opposition au libéralisme, ce que socialisme pourrait encore vouloir dire au XXIème siècle.
Cette définition m'est propre mais c'est celle du socialisme que je souhaite incarner. Être socialiste aujourd'hui, c'est placer au plus haut point de ses valeurs, la solidarité et la justice sociale. La solidarité car dans une monde toujours plus globalisé, il est inacceptable de laisser sur le bord du chemin les plus fragiles alors que paradoxalement il n'y a jamais eu autant de richesses. La justice sociale car nous devons permettre à tous de gravir les échelons de la république et combattre la reproduction sociale. Mon socialisme, c'est un socialisme des territoires, celui qui vise à changer la vie des gens, c'est d'ailleurs le sens de mes combats à Siorac, notamment, pour les jardins collectifs.
Le socialisme, c'est la lutte inlassable pour le progrès et cela implique qu'il évolue avec son temps. Aujourd'hui de nouvelles formes de collaboration et de partage voit le jour : économie collaborative ou participative, des coopératives pour reprendre des outils de production, l'utilisation du numérique...
Être socialiste, c'est refuser les injustices en France comme dans le monde entier car nous ne devons pas oublier l'universalisme qui est le nôtre. Il faut partout et toujours conserver sa capacité à se révolter.
- 2. Certains puristes, ou idéalistes, estiment encore que l’on ne devrait pouvoir obtenir, dans une vie, qu’un seul mandat, de surcroît, non renouvelable. Est-ce, selon vous, une utopie ?
C'est pour moi une utopie et je ne le souhaite pas, car je crois en l'intelligence collective des citoyens qui doivent trancher dans le temps et dans l'espace sur la question du cumul de leurs élus.
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