Notre Linette s'en est allée.
Ce mardi matin, à 10 h 30, à l'Institut Cognacq-Jay, tout doucement, après une résistance de plusieurs mois Jacqueline Destruel-Sag s'en est allée. Jacqueline naquit à Belvès le 2 août 1943. Jacqueline a toujours entretenu une véritable passion pour le village de Belvès qui l'a vue naître et où elle a une maison av Giffault, tout près de la place de la Croix des Frères. S'il apparaît prématuré de dire quand et où aura lieu la cérémonie, strictement laïque et civile, vraisemblablement au Père Lachaise, suivie de la crémation, il paraît improbable que celle-ci ait lieu cette semaine. |
BELVÈS-MONPLAISANT
LE KREMLIN-BICÊTRE.
Oui, je le sais, Jean-Pierre, son mari, appréciait diversement que nous appelions notre cousine Linette. Jacqueline était son prénom de l'état civil mais dans les familles où la traçabilité de l'humble paysannerie n'a pas besoin de recherche de généalogistes et où les mondanités sont grotesques c'est une manière affectueuse de renommer celles et ceux que l'on aime, Paulette, pour Paule, Marthoue, pour Marie-Louise, Jeannot pour Jean-Pierre, Guitou, pour Alain-Guy et Jacqui, pour Jack.
Linette évoluait dans une génération où la féminité était, un peu, comprimée par le nombre de cousins. Cela la promouvait au niveau d'une enchanteresse rayonnante. Dans notre enfance "renardienne" elle était, par son charme et son aisance, notre fée dans un cercle où elle apportait une touche ô combien appréciée.
La famille partagée entre ceux que l'on pourrait rapidement taxer d'intellectuels, sans que cela ait la moindre connotation espiègle, et les bien plus en retrait, où, très naturellement, je me retrouve, savait, grâce à la continence des doctes faire table rase des distances sociales. Nous le devons, vraisemblablement, à l'ouverture d'esprit de Linette qui fut la première de notre génération à avoir obtenu l'agrégation. Elle honora, par son brillant cursus universitaire, toute la famille et favorisa son épanouissement. Pour nous, les plus effacés, l'agrégation c'était une lointaine montagne, difficilement accessible, dont on entendait parler sans en connaître le moindre escarpement.
Linette avait dans la peau le sens de la famille et, pour affirmer le lien commun de sa génération, avait imaginé "Les Renardeaux", licence poétique pour pérenniser la terre de nos aïeux Andrieux-Duchampt, laborieux paysans du plateau monplaisano-sioracois des Champs de La Renardie. Tout un symbole…
Pour finaliser ce cercle informel elle fut l'animatrice d'une "cousinade" inédite, un 4 août, un autre symbole, dans cette famille profondément laïque et républicaine.
Lors de cette inoubliable "cousinade" Linette fit un discours tout à la fois brillantissime et pathétique à l'endroit de nos grands-parents, magnifiant les traits de notre grand-mère. Elle termina en disant que Madeleine, sa mère, était, un peu, la gardienne du temple de cette famille mais qu'elle espérait que, bien plus tard, ce rôle lui reviendrait.
Ce songe elle n'a pu le voir se finaliser parce qu'une adversaire, chafouine à l'envi, l'en empêcha.
Encore un autre symbole, c'est le 1er mai, que Linette, sa santé vacillant déjà, choisit pour un ultime passage à Renardie.
Linette a travaillé, pendant plusieurs années, jusqu'à la limite de ses forces, pour assembler la mouture d'un dictionnaire sur la féminité dans l'histoire. Cette œuvre collégiale où elle s'est tant investie, à peine achevée, restera, pour l'avenir, un travail considérable qui l'honorera post mortem et qui flattera tous les Renardeaux dans leur fierté.
Pour l'heure notre cœur saigne.
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