Une niche bien modeste.
André Déjean de Fonroque fut maire de Belvès du 15 mai 1904 au 15 février 1942. Déjean fut élu dans le tumulte d'une élection disputée face à Robert Deladrière, un notaire progressiste qui clamait, haut et fort, son attachement à la République. Tout notaire qu'il était Deladrière n'était pas un bourgeois et il a du "trimer" pour accéder au notariat. Deladrière avait une étude rue de Vaugirard à Paris et partageait son temps avec Belvès. Sa maison belvésoise était à l'actuel numéro 17 de la rue Foncastel.
André Déjean de Fonroque, lui, était de la bonne bourgeoisie belvésoise et sa maison, la plus cossue de la rue Rubigan, attestait l'aisance de la famille. Déjean lui aussi effectuait de nombreuses allées et venues vers la capitale. Déjean était directeur de chemin de fer ; pas de celui qui desservait Belvès [Belvès était sur une ligne du P.O] puisqu'il était le premier personnage du chemin de fer de l'Ouest. On disait du chemin de fer de l'état.
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La niche percée dans le roc pour garer la voiture, certains Belvésois utilisaient la terminologie impropre de wagon, d'André Déjean de Fonroque a perdu, depuis bien des décennies, sa finalité privative ferroviaire. Quelques chefs de gare s'en sont servie de remise. Aujourd'hui la végétation l'envahit et depuis des lustres les intallations ferroviaires de connexion à la ligne ont été enlevées.
À Belvès, jusqu'en 1983, pour devenir maire, il ne fallait pas obligatoirement faire montre de quartiers de noblesse, ceux-ci, cependant, ne constituaient pas un handicap majeur, mais être reconnu comme un "Monsieur", un "mossur" en occitan. Belvès -et ce n'est pas une exclusivité locale- voulait que son premier magistrat ait la manche longue et soit issu de l'élite. Une singularité, l'exception a pour mission de confirmer la règle, cependant se produisit, dans la liesse populaire de la Libération. Belvès, prit des couleurs populaires en obtenant, le 20 mai 1945, un conseil municipal piloté par Paul Allègre avec, cerise sur le gâteau, une maire-adjointe généreuse et anticonformiste, Anne-Marie -dite Yvette- Murat. Cette équipe fut éphémère parce qu'elle chut le 2 novembre 1947.
Déjean qui, cependant, ne laisse pas de souvenirs d'avoir ferraillé avec le maréchal félon, ou alors ce fut fort discret, fut néanmoins relevé de ses prérogatives de maire par Paul Loubière. Ce dernier, à son tour, fut démis un certain 6 juin 1944, coïncidence ou lien de cause à effet, par Gabriel Bourdy qui avait plus d'affinité pour un général que pour le maréchal, tant pis pour la considération de la haute hiérarchie militaire.
Pour revenir à Déjean il fut maire pendant 38 ans et pendant une longue période le hiérarque des chemins de fer de l'état. Cette fonction lui a permis de recommander bien des personnes ; ses détracteurs disaient, avec un humour caustique, que pour être appuyés les mandants cléricaux n'étaient pas, tout à fait, rejetés.
Il s'est dit bien des choses sur ce personnage influant. N'oublions pas que Belvès lui a du d'obtenir l'eau potable, par gravité, qui venait du souterrain de Latrape, plus communément appelé Tunnel du Got. Pendant des années certains lui attribuaient l'arrêt belvésois de l'express nocturne qui reliait Agen à Paris. Ce train qui circula pendant les premières années de la S.N.C.F, sous le numéro 1027, vers la province, et sous le numéro 1028 vers Paris, a disparu depuis une vingtaine d'années. Il s'arrêtait dans bien de modestes localités dont Villefranche, Siorac, le Bugue et Les Eyzies. Cela n'était donc point une faveur ahurissante qu'il marque un arrêt au pied du castrum. À cette époque les résidents n'allaient pas perturber les flux ferroviaires dénonçant les insuffisances de dessertes mais -et c'était beaucoup plus pertinent dans la finalité- ils les empruntaient pour les vivifier.
Ce qui est plus surprenant c'est que Déjean qui n'avait pas une toute petite idée de sa personne, bien qu'il passât pour être de petite taille, avait fait creuser dans la falaise occidentale des voies de service de la gare de Belvès une galerie pour faire stationner sa voiture personnelle. On la détachait du train à son arrivée et on l'incorporait lorsqu'il repartait. C'était, peut-être, sa manière à lui d'affirmer son humilité profonde.
On notera qu'un personnage secondaire de la vie du pays, puisqu'il n'était "que" président de la République, n'a pas laissé de stigmates de cette modestie républicaine. Le président Fallières, qui est passé diverses fois sur notre ligne pour se rendre de sa propriété viticole de Villeneuve-de-Mézin à l'Élysée, avait-il moins de moyens pour honorer ses évolutions privées ! Il usa certainement du train présidentiel mais, à cette époque, Fallière présida la République de 1906 à 1913, nos présidents de la République, malheureux successeurs immédiats de monarques, n'avaient pas encore atteint l'excellence dans la modestie qui s'invite "crescendo" chez leurs successeurs de la Vème République. Saluons l'ascétisme rigoureux et le désintéressement total de ces derniers qui permettront, c'est promis, seuls les béotiens incrédules ne veulent pas y croire, d'éradiquer la dette, le chômage et de refermer le gouffre de la Sécurité sociale.
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