La ferme des 1 000 vaches...
Tribune du Dr Karine Fondu*.
* Notre amie Karine Fondu, wallonne, par sa naissance, européenne convaincue est, avant tout, citoyenne. Elle est docteur-vétérinaire à Belvès. Sa fibre citoyenne la conduit sur tous les chantiers là où la nature est souillée, ou susceptible de l'être, et où l'humanisme est malmené. On la trouve dans le cortège des manifestations de protestation sur la thématique d'hostilité à la dangereuse et catastrophique exploitation du gaz de schiste ou au coeur des manifestations de soutien à l'hôpital de Sarlat.
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La ferme des 1 000 vaches est emblématique de l'élevage industriel : des centaines de vaches cloîtrées dans une usine. Le riche industriel qui les a rassemblées là attend d'elles qu'elles produisent en abondance, d'une part un lait à faible coût pour inonder l'industrie agroalimentaire, et d'autre part des déjections qui seront transformées d'abord en méthane puis en électricité.
Du point de vue de l'investisseur, c'est tout bénef. : compression des coûts, rationalisation de la production, prix de vente imbattables, rentabilisation des déchets....A priori, rien de comparable avec le modèle de production agricole traditionnel. |
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Du point de vue de la société cependant, la comparaison avec le modèle traditionnel est beaucoup moins flatteuse :
les agriculteurs se retrouvent à la charge de la collectivité et leur savoir -faire se perd, il faut payer des cantonniers pour entretenir le « terroir ».
La pollution de l'eau et des sols inévitable vu la concentration de bétail est à la charge du contribuable.
La présence d'une usine implique l'adaptation des réseaux routiers et électriques, de même que celle de l'acheminement de l'eau. Elle implique également le transport du lait sur de longues distances, ce qui est plus coûteux et plus polluant que la production de proximité.
La quantité de lait produite se fait au détriment de sa qualité : il ne peut pas être transformé en produits nobles.
À nous d'ingurgiter de grandes quantités de lait bas de gamme....alors que personne ne peut affirmer à l'heure actuelle que le lait est bon pour la santé.
Le prix du lait risque de flamber quand les quelques gros producteurs en situation de quasi-monopole auront éliminé la concurrence,
Avec du recul, on se rend compte que si tous les « surcoûts » étaient intégrés dans les coûts de production au lieu d'être pris en charge par la collectivité, l'affaire ne serait pas aussi juteuse.
Une fois de plus, on mutualise les coûts et on privatise les profits !
Du point de vue de la santé publique, il ne fait aucun doute que l'élevage intensif prédispose aux infections et au parasitisme dans les troupeaux. Il rend inévitable la multiplication de traitements préventifs ou curatifs.
Sans oublier des pathologies imprévisibles aux conséquences parfois redoutables comme la maladie dite de la vache folle.
Du point de vue des animaux, des êtres sensibles et non pas des choses, il n'y a pas de respect ou de bien-être sans la présence et les soins attentifs d'un éleveur qui les connaît et en qui ils ont confiance.
Jamais des machines à traire automatiques ne remplaceront le toucher d'un éleveur, jamais des caméras de surveillance ne remplaceront sa surveillance et son sens de l'observation.
En dehors de ces considérations, et à l'heure où des traités fondamentaux comme le TAFTA sont en train d'être négociés sans réelle prise de conscience de la part de tant de citoyens européens, je pense qu'il est urgent de se demander si le monde nouveau qui s'offre à nous nous fait rêver .
Que penser d'un mode de production où tout se mesure en argent ? Le jour où l'énergie se vendra mieux que la nourriture, le lait ne sera plus que le déchet de la production de méthane... un déchet qui sera recyclé en étant consommé par les humains...
Nous qui avons été heureux de voir des troupeaux au pré, aurons-nous envie de montrer à nos enfants des camps de concentration pour des vaches déconsidérées, surmédicalisées et qui n'auront jamais mis un sabot dehors ?
Nous sommes à l'heure des choix...
Il faudrait que les enfants, nés dans ce siècle, puissent avoir encore l'image de ces sympathiques bovins auxquels nous devons tant.
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