Lectures au Mémorial de la Résistance, volet n° 1.
Le cortège se range au piédroit du mémorial. J-Bernard Lalue, à gauche, et Olivier Merlhiot, à droite, les maires du sol fongauffiérain, entourent Jean-Marc Bassaget, sous-préfet. Photo © Bernard Malhache.
Photo © Bernard Malhache.
Mesdames, Messieurs,
Amis adeptes du devoir de mémoire,
Chers condisciples et écoliers de ce Val de Nauze,
Mes camarades et moi-même sommes fiers et émus de participer, avec nos cadets de l'école primaire de ce village, à cette cérémonie d'aujourd'hui, pour la journée nationale de la Résistance. Nous avons pour mission de rendre hommage à Joséphine Baker et aux partisans dont les noms sont gravés dans le mégalithe qui s'impose devant nous… et à tous les autres.
Quelle journée pouvait être plus adéquate qu'un 27 mai, date historique qui scella, en 1943, dans un appartement privé parisien de la rue Corbin le socle du Conseil national de la Résistance. Rien n'arrêta ces valeureux réunis autour de Jean Moulin, dans Paris occupé. Ils faisaient fi de la sinistre et terrorisante Gestapo et des risques encourus par la délation. Ces hommes se sont révélés être audacieux, certes ils l'étaient, mais plus encore, dans l'incertitude de l'époque, ils s'affirmaient tellement libertaires qu'ils savaient oublier jusqu'aux divergences idéologiques profondes qui les séparaient.
Ainsi on trouvait dans ce collectif fondateur des hommes de sensibilités ô combien différentes réunissant, entre autres, autour de la table l'ardent catholique conservateur Jacques Debû-Bridel, Georges Bidault, André Le Troquer et le populaire Fernand Grenier, déchu après le 26 septembre 1939 de son mandat de député de St Denis, par la gouvernance favorable au maréchal qui pactisa avec l'occupant. Notons qu'avant que l'heure de la Libération ne sonne, pour rendre hommage à la féminité résistante, Fernand Grenier, auteur de l'amendement accordant aux femmes le droit de vote et d'éligibilité, en tant que député à l'Assemblée consultative d'Alger, fut un des éclaireurs qui ont mis un terme à cette injustice flagrante de mise à l'écart civique de nos aïeules.
Aujourd'hui ma camarade Amélie et son cadet cypriote Tilan ont découvert la plaque de l'allée Joséphine Baker. Les instances municipales de Monplaisant et de Sagelat, en retenant la proposition de l'ANACR de choisir l'odonyme de Joséphine Baker, ont pris une décision hautement symbolique à plus d'un titre. Ils ont honoré une artiste d'exception qui, au-delà de l'immensité de l'océan, a donné à notre pays et au Périgord une dimension partisane féminine largement méritée et partagée. Joséphine Baker sollicitée par Jacques Abtey, un jeune officier au service des renseignements, a accepté immédiatement ce rôle de "preuse". "C'est la France qui m'a fait ce que je suis, je lui garderai une reconnaissance éternelle".
Faut-il rappeler que Joséphine Baker, dès le début de la guerre, se montra une ardente patriote. Devenue française par son mariage, en 1937, avec Jean Lion, de son vrai nom Levy, un industriel israélite, elle décida d'entrer en résistance contre les nazis et affirma refuser de chanter à Paris tant que les Allemands l'occuperont. D'autres artistes n'ont pas eu cette noble résistance face à l'envahisseur indésirable.
Il paraît impossible, en usant des quelques minutes accordées à chaque intervenant, de restituer l'œuvre immense de Joséphine Baker dont le charme fit chanceler les frontières, ébranler les cœurs, pourfendre le racisme, la xénophobie et faire reculer la haine. En donnant le nom de Joséphine Baker à cette portion de la route qui borde cet espace de la Résistance nous plongeons dans l'histoire et atteignons ce merveilleux village des Milandes que l'artiste entendait promouvoir en "Village du monde".
Ici, au pied de ce mégalithe, nous honorons aussi aujourd'hui les résistants du terroir qui ont donné leur jeune vie pour la liberté de leurs contemporains. Ils étaient d'horizons divers, employés de banque, devenus mineurs à Merle pour résister en Périgord, artisan, ouvriers agricoles ou instituteur. En paraphrasant la métaphorique poésie d'Aragon, "La rose et le réséda", tous, celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas, adoraient la belle prisonnière.
Les hommes en résistant ont donné une belle dimension à la fronde contre la barbarie brutale des nazis mais n'oublions pas le rôle capital de nos aïeules qui ont tremblé et pleuré pour ceux qu'elles aimaient. Celles-ci, par leur courage et leur attitude, ont emprunté le dangereux sentier de l'honneur en abritant et soignant des résistants, en accueillant des enfants israélites ou en étant des agents de liaison. Merci, post mortem, à nos discrètes héroïnes locales Sylvie-Baudet Marty, Suzanne Coulon, Marie-Antoinette Fabre-Jaklin, Hélène Malaurie-Rispal, notre adorable Marthoue Conty-Gorce, toujours de ce monde… et à toutes les autres.
Nos grands parents comptent sur nous pour être leurs relayeurs dans ce devoir de mémoire. Puissions-nous être dignes de cette délicate mission qu'ils veulent nous confier !
Texte lu par Lila Trombetta et Ambre Naletto. L'alinéa en caractères gras a été lu simultanément par les deux oratrices.
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Message de Louis Cortot, compagnon de la Libération, lu par Éliane Eymet.
Le 8 mai 1945, il y a 71 ans, s’achevait en Europe – par la capitulation du Reich nazi – un conflit mondial qui avait fait, sur le continent mais aussi en Asie, Océanie et Afrique plus de 60 millions de victimes. Un conflit dont les prémices avaient été l’Anschluss le 12 mars 1938 de l’Autriche par le Reich, l’annexion par l’Allemagne nazie des Sudètes tchécoslovaques en septembre suivant, au lendemain de la capitulation de Munich, l’occupation par Hitler de la Bohême-Moravie tchèque le 14 mars 1939, l’attaque de l’Albanie par l’Italie en avril 1939… et qui s’était généralisé à partir du 1er septembre 1939 avec l’invasion par la Wehrmacht de la Pologne.
Cette année 2016 est aussi celle du 80ème anniversaire du soulèvement franquiste, le 17 juillet 1936, contre la République espagnole, qui avait donné aux élections de février précédent une majorité au Frente Popular espagnol ; au positionnement antifasciste analogue au Front Populaire français, qui allait lui aussi triompher en France lors des législatives des 26 avril et 3 mai suivants. Dans son combat contre la République, Franco allait recevoir une aide militaire décisive de la part de Mussolini et Hitler : divisions d’infanterie italiennes, Légion Condor allemande qui comprit plus de 600 avions et qui s’illustra tragiquement par le bombardement de la ville basque de Guernica, prélude aux bombardements terroristes allemands en 1939 sur Varsovie, en 1940 sur Rotterdam et Coventry.
Malgré la lutte à ses côtés d’antifascistes de 53 pays, dont 9 000 Français, regroupés au sein des Brigades internationales, la République espagnole, victime notamment de la politique anglo-française de non intervention la laissant seule face aux dictateurs fascistes, succomba en février 1939. Plus de 500 000 Républicains se réfugièrent en France. Plusieurs dizaines de milliers d’entre eux, aux côtés de nombreux anciens brigadistes, allaient bientôt participer à la lutte contre l’invasion de notre pays par la Wehrmacht nazie, et au combat de la Résistance contre l’occupant nazi et le régime pétainiste, mis en place à la suite de la défaite de juin 1940.
Ce régime félon, installé le 10 juillet 1940 par Pétain, se mettra aux ordres de l’occupant jusque dans la mise en œuvre d’une répression contre les démocrates, les patriotes qui, par dizaines de milliers, furent fusillés et massacrés, par dizaines de milliers déportés dans les camps de concentration, ainsi que des persécutions raciales qui aboutirent à la déportation de plus de 70 000 hommes, femmes et enfants vers les camps de la mort ; d’où bien peu revinrent. Mais, dès l’été 1940, à l’extérieur du pays, l’Appel du général de Gaulle lancé depuis Londres le 18 juin allait rassembler autour de lui les premiers Français libres, qui maintinrent la France aux côtés des Alliés, tandis que, sur le sol national occupé, des femmes et des hommes allaient refuser la capitulation, l’occupation, l’assassinat de la République et la suppression des libertés, affirmer leur volonté de poursuivre le combat.
C’est ainsi que naquirent et se développèrent dans les conditions différentes de la France divisée en deux zones – occupée et non-occupée - les premiers groupes, réseaux et mouvements de Résistance, tels Combat, Libération-Sud, Franc-Tireur, Organisation Civile et Militaire, Libération Nord, Ceux de la Résistance, Ceux de la Libération, Front national de Lutte pour la Libération de la France, qui seront à sa création membres du Conseil National de la Résistance (CNR), que parurent ou reparurent dans la clandestinité des journaux – parfois homonymes de mouvements – tels Libération, Combat ou Franc-Tireur, mais aussi Défense de la France, l’Humanité, Témoignage Chrétien, le Populaire…
Le 21 août 1941, en abattant au métro Barbès à Paris, un officier de la Kriegsmarine, Pierre Georges, le futur colonel Fabien, Commissaire militaire de l’Organisation Spéciale du Parti Communiste clandestin, initia la lutte armée contre l’occupant, laquelle vint s’ajouter aux activités de renseignement et à la propagande clandestine, avant que ne se forment les premiers maquis.
Cette multiplicité de structures et formes d’action de la Résistance intérieure, la nécessité de sa liaison avec le combat de la France Libre pour assurer la permanence de la présence de notre pays aux côtés des Alliés, vont conduire Jean Moulin, le Préfet républicain de Chartres, révoqué le 2 novembre 1940 par l’administration pétainiste, à s’atteler à cette tâche de rassemblement des forces de la Résistance, en les plaçant aussi sous l’autorité du Comité National Français présidé par le général de Gaulle.
Après des mois d’efforts pour surmonter des difficultés de tous ordres, la réunion constitutive du Conseil National de la Résistance, le CNR, se tint à Paris le 27 mai 1943, 48 rue du Four. Elle rassembla, sous la Présidence de Jean Moulin, les 8 principaux mouvements de Résistance, 6 partis clandestins (communiste, socialiste, radical, démocrates-chrétiens, Fédération républicaine et Alliance démocratique) et les deux centrales syndicales CGT et CFTC. Cette création du CNR, reconnaissant l’autorité du Général de Gaulle, allait renforcer la légitimité du Chef de la France libre auprès des Alliés, « j’en fus à l’instant plus fort » dira-t-il. Elle allait permettre d’unifier toutes les forces de la Résistance, la mise en place dès la fin 1943 des Comités locaux et départementaux de la Libération, la création début 1944 des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI), la publication le 15 mars 1944 du Programme du CNR, dont nombre des avancées découlant de sa mise en œuvre à la Libération sont encore présentes dans notre vie démocratique et sociale.
C’est pourquoi cette date du 27 mai a été retenue pour être la « Journée Nationale de la Résistance », inscrite désormais depuis 2013 dans le calendrier mémoriel officiel de la Nation.
Rappeler, ce 27 mai, plus particulièrement dans les établissements scolaires, les valeurs humanistes, démocratiques et patriotiques qui inspirèrent le combat de la Résistance s’inscrit non seulement dans le devoir de mémoire à l’égard de ceux qui ont combattu, et souvent sont tombés pour la Liberté, mais est aussi répondre au besoin de mémoire, dans un monde qui connaît toujours les guerres, le racisme, la xénophobie, les atteintes aux libertés et à la dignité humaine, la torture, la résurgence du fascisme, les actes de barbarie, tels ceux qui après d’autres pays ont frappé la France en 2015 et la Belgique en mars 2016, tous fléaux contre lesquels il faut se dresser sans faillir.
Louis CORTOT
Compagnon de la Libération
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Le volet suivant sera les interventions de Benjamin Delrieux, de Marie-Françoise Roubergue et de Jean-Marc Bassaget, sous-préfet, secrétaire général de la Préfecture, représentant le préfet de la Dordogne.
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