Val de Nauze

Lettre ouverte à mes collègues - Maman instit' révoltée.

Interpellé par une personne du corps enseignant, en poste dans une école primaire de notre Val de Nauze,  diffusant le texte ci-dessous, j'ai décidé, après réflexion, de le  publier sur Fongauffier-sur-Nauze et Val de Nauze.

 

Si notre ruralité profonde est moins concernée, que les communes urbaines par la problématique immanente aux difficultés de l'éducation de notre temps, la volonté ministérielle de reconsidérer la semaine scolaire s'applique autant aux écoles rurales qu'urbaines.

 

Pour ma part n'ayant aucune compétence pour "apprécier" les recadrages ministériels je laisse, comme il se doit, aux lecteurs de Fongauffier-sur-Nauze et Val de Nauze la faculté d'avoir une opinion quelle qu'elle soit.

 

Pierre Fabre.

 

Pour celles et ceux qui, comme votre humble serviteur, se demanderaient que veut dire P.E ce sigle désigne les professeurs des écoles.

 

 

 


 

 

Jackie-Hélène Lamirault 

 

Lettre ouverte à mes collègues.

 

 

 [Jackie-Hélène Lamirault de Deken]

Jackie-Hélène (Lamirault)

de Deken

 

 

Ce texte ne provient pas d'un syndicat, je ne suis même pas syndiquée, je ne me revendique d'aucun parti politique. Je suis PE à la ville du Mée sur Seine et je me suis levée ce matin révoltée. J'ai cherché un mot d'ordre syndical pour le diffuser mais aucun ne disait tout ce que j'avais sur le cœur. Alors, je vous ai écrit. Pour ma fille en premier lieu, pour mes élèves ensuite et par habitude pour moi en dernier. Merci à ceux qui liront cette lettre jusqu'à son terme.

 

Le mardi 12 février 2013 : je serai en grève, et vous ?


Déjà pour reconquérir notre droit de grève, spolié par la mise en place du Service Minimum d'Accueil. Cette grève s'annonce massive. Elle pourrait comme à Paris le 22 janvier mettre en déroute ce dispositif qui amoindrit notre pouvoir de pression sur le politique.

Surtout pour nos enfants (car nous sommes aussi parents ou grand-parents en grande majorité): pour des raisons budgétaires et d'encadrement, beaucoup de communes réfléchissent à la possibilité d’accoler les 45 minutes de périscolaire au temps de pause du midi. Ce moment particulièrement bruyant et fatigant pour les élèves passerait ainsi à 2 h 45 (voire 3h15 en RPI)... Temps de pause du midi qui rappelons-le n'est soumis à aucun taux d'encadrement légal (comme le temps scolaire). Est-cela que nous voulons ?

Mais aussi pour tous nos élèves : car ce décret était censé alléger les rythmes des enfants afin qu'ils soient plus reposés. Résultat une journée de même amplitude. On aimerait nous faire croire que 45 minutes de préau ou de dvd à plusieurs classes sont moins fatigantes que 45 minutes en groupe classe au calme... ET UNE SEMAINE ALOURDIE par une matinée de plus (sans parler des problèmes d'organisations que cela va causer aux parents qui ne pourront pas venir chercher leurs enfants pour ne serait-ce que les emmener ensuite au centre aéré).

Pour notre volonté de garder une éducation NATIONALE : ce décret instaure le mercredi comme matin travaillé mais permet de demander une dérogation pour le samedi (seront-elles acceptées?). Ce décret plébiscite l'accès au culturel et sportif sans jamais obliger les mairies à proposer de telles activités mais les laisse libres de facturer ce temps supplémentaire car étant facultatif. De plus certaines écoles fermeront à 15h45 tandis que beaucoup resteront aux mêmes horaires.

Préparons-nous donc à une éducation territoriale si ce n'est locale. Bientôt de fausses dérogations arriveront en mairies dont la vraie motivation sera financière car les familles aisées s'orienteront vers des écoles proposant de belles activités contre belle rétribution. Les familles modestes elles, préféreront peut-être envoyer leur enfant plus loin à l'école mais contre l'assurance qu'il n'y aura pas de frais supplémentaires car les élèves seront seulement « surveillés » sur la pause du midi...

Sans parler des dérogations pour raisons personnelles car certains parents « s'arrangent mieux » quand école le mercredi ou le samedi, plus facile pour eux d'aller chercher leur enfant le midi ou plus tôt le soir...

 

Et enfin car c'est tabou : pour nous, instits et PE.

 

Oui, nous ne devrions pas avoir honte de le dire, ni à nous en cacher, ni à le mettre en dernier sur ce document...

Notre métier bien que restant d'enseigner ne cesse à chaque nouveau ministre d'évoluer. Et rarement dans le bon sens. Notre salaire est gelé et le coût de la vie augmente. On nous demande toujours plus de formulaires, d'évaluations, de documents administratifs... Plus de matières « saupoudrées » mais plus de résultats aux évaluations en français et maths... Matières qui ne sont plus assez étudiées par faute de temps.

Comme à chaque nouveau ministre, il va nous falloir prouver notre dévotion envers notre « sacerdoce ». Montrer que l'on se sacrifie pour notre métier. Que quand on est enseignant, contrairement à n'importe quel salarié du privé on prend avec le sourire les changements incessants dans nos conditions de travail et notre vie de famille, associative... vu que c'est pour la communauté ! Car oui, une journée par semaine, quatre jours par mois, c'est en fait nous demander de travailler une de nos semaines actuelles en plus, semaines qui sont déjà bien lourdes (demandez à nos conjoints) . Renoncer à notre mercredi pour le lobby du tourisme et contre l'avis de l’académie de médecine qui s'est prononcée « pour le bien de l'enfant » de manière incontestable, elle, le samedi, c'est renoncer à une journée que beaucoup d'entre-nous utilisent pour compenser un peu notre vie de famille amputée par ce métier chronophage, que d'autres utilisent pour préparer ou repasser à l'école faire des petits travaux (car en attente de personnel communal depuis trop longtemps) afin d’espérer profiter un peu de leur week-end. Mercredi, jour de prédilection car vaqué pour mettre nos rendez-vous, réunions de travail, formation professionnelle...

 

Et pourtant si ce n'était que pour moi, je m'inclinerais. Je serais défaitiste et résignée. Triste pour mes élèves de constater que comme pour la méthode globale : quand enseignants et parents, main dans la main une fois informés grognent, contre l'avis de leurs représentants, à titre individuel et que le gouvernement passe outre nos inquiétudes de premières lignes, cela crée des générations entières d'élèves en difficulté.

Je ne peux me résigner cette fois. Je ne peux me taire.


Je refuse que ma fille, pendant les 9 ans que durent le primaire soit surveillée, dans le bruit et délaissée pendant 2 h 45 le midi.

Je refuse de récupérer des élèves encore plus accidentés, fatigués, énervés après une pause déjeuner que tout adulte même la passant au calme, choisissant son menu et ses activités trouverait trop longue si elle dure 2 h 45. Et que je trouve trop longue pour moi aussi !

Je refuse que les surveillants disposent de ma classe, lieu où beaucoup de matériel demande de la vigilance pour tenir l'année, où beaucoup de matériel est payé de notre poche, où beaucoup d'affichages ou objets en libre-service est payé par notre temps et notre volonté, pour nos élèves et dont je crains la dégradation.

Ils disent que ces salles ne nous appartiennent pas mais qui dans le privé trouverait normal d'être mis à la porte de son bureau à heure fixe quoi qu'il ait à y faire sous prétexte (car c'est aussi le cas) que les murs ne lui appartiennent pas ?

Je refuse lors de ma participation au mouvement d'avoir à me renseigner sur chaque école avant de la demander (mercredi ou samedi ? Péri-éducatif le midi ou le soir ? Activités payantes ou gratuites ? Quelles activités coloriage, musique ou sport pour pouvoir aligner les activités extra-scolaires de ma fille si elle me suit ?...)

Je refuse un décret qui était censé alléger les rythmes des enfants et qui au final ne changera pas grand chose aux journées et alourdira la semaine.

Je refuse un décret qui devait être « pour le bien de l'enfant » et pour être mis en place le sera avec moins d'adultes en surveillance. Ces mêmes adultes seront moins formés qu'actuellement vu que le Premier ministre a demandé d'abaisser les taux d'encadrement et de recrutement pour le temps périscolaire (à dissocier de la pause déjeuner)... Bien de qui déjà?

Je refuse un décret que certains syndicats disent aller dans le sens d'une école meilleure alors que je trouve qu'il va vers une destruction de l'éducation nationale et par beaucoup d'aspects dans le mauvais sens.

Certains vous diront que faire grève le 12 février c'est faire grève contre les 60 000 postes car le mot d'ordre F.O est contre la réforme toute entière.

De nombreux syndicats dont le Snuipp et la C.G.T appellent à la grève le 12 février prochain. Certains pour concertation avant de réformer, d'autres pour retirer le décret, d'autres pour le réécrire.

A titre personnel je ne ferais pas grève pour garder mon mercredi. Je ferai grève pour une réécriture de ce décret. Pour ma fille et pour mes élèves. Pour l'éducation telle que je la conçois. NATIONALE.

 

Quelles que soient vos positions : libre à nous de s'emparer de cette journée nationale dédiée au premier degré et sur les rythmes pour en faire une énorme manifestation du ras-le-bol enseignant face à cette nouvelle restructuration qui ne semble qu'aux yeux de peu de collègues être une avancée. Chacun pourra y personnaliser sa pancarte et défiler sous la bannière qui lui correspond le mieux. Des bannières « dindons » donc a-syndicales et apolitique seront présentes sur les cortèges.

J'aimerais tant voir comme à Paris le 22 janvier une éducation nationale, une nation entière d'enseignants se mobiliser à plus de 80% et mettre en déroute le Service Minimum de spoliation du droit de grève des enseignants car ne pouvant pas faire face (seul 10% des élèves sans maîtres y avaient été pris en charge).

 

Et pour cela, pensez à ne pas envoyer votre préavis trop tôt. Idéal : vendredi 8 au soir !

Merci à ceux qui m'auront lue en totalité. Désolée pour les possibles fautes et la présentation peu travaillée...

Le temps me manque, comme à vous tous...

Et si les rumeurs sont exactes : ma fille aura classe le mercredi dans la ville où j'habite et moi le samedi dans celle où j'enseigne. Adieu les petits déjeuners tardifs en pyjama avec mon enfant. Une fois par semaine, voilà tout ce à quoi j'aurai droit, moi qui ne compte pas mes heures pour des enfants qui ne sont pas les miens.

Je signe cette lettre non pas par fierté mais parce que je n'ai pas non plus à en avoir honte. Je signe cette lettre car comme beaucoup je lisais « Le Monde »...

 

Jackie-Hélène (Lamirault) de Deken, PE, maternelle Giono, Mée-sur-Seine, établissement ZEP.

 

PS : concernant la prime dont il est question depuis quelques heures. Notre ministre arrivé en fonction disait qu'il serait digne de nous augmenter. Qu'il le fasse. Mais lui-même déclare que cela n'a rien à voir avec les rythmes. Et si les deux étaient bel et bien liés Monsieur le Ministre, sachez que je choisirais l'avenir de mon enfant et une qualité d'enseignement à votre prime de "dignité".

 

 



08/02/2013
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