Val de Nauze

Un(e) doyen(ne) qu'est ce que c'est au juste.

 

 

Le nom commun « doyen » (au féminin doyenne) vient du latin decanus qui signifie "celui qui commande dix hommes". 

Nous savons tous que le doyen est un le personnage le plus âgé d'une communauté, le doyen de la commune, mais, aussi, ce substantif peut s'appliquer à (une) responsable. Cette terminologie a souvent été employé dans les institutions religieuses ; tant au masculin qu'au féminin, commun signifiant le plus âgé ou le responsable. Dame doyenne dans les chapitres de chanoinesses des Vosges n'est pas la supérieure. Elle vient en 2e position après la dame abbesse qui, dans le cas de l'Insigne Église collégiale et séculière Saint Pierre de Remiremont, fut également princesse d'empire. La dame doyenne était juge ordinaire des chanoines et des bénéficiers de l'église à l'intérieur de l'enceinte de l'abbaye. C'était elle qui examinait les preuves de noblesse des demoiselles postulantes et faisait prêter serment aux chevaliers qui venaient présenter ces preuves. La doyenne convoquait le chapitre, le présidait, prononçait les ordonnances capitulaires qu'elle faisait enregistrer par le secrétaire du chapitre, nommé "écolâtre". Dans la ruralité profonde le prêtre de la paroisse la plus importante de son secteur était appelé le doyen.

 

Le doyen s'est laïcisé au cours des siècles. Et l'on retrouve ces personnages à la tête d'une faculté et ce personnage est, fort rarement, le plus âgé des intervenants dans le campus. De temps à autre on entend parler  du Doyen de l'Inspection générale de l'Éducation nationale ou du doyen des juges d’instruction. Sous l'Ancien Régime le doyen était un personnage influent dans le domaine de la justice. 

 

On admet donc aisément que ces personnages jouissaient tous d'une respectabilité de notable. Ce n'est point de ces personnages là que ce modeste blog d'aujourd'hui compte vous parler mais de personnages tout aussi respectables, mais beaucoup plus proches de nous, que, parfois, nous tutoyons amicalement et qui nous surprennent à repousser les limites d'un vieillissement qui n'est pas encore, pour eux, d'actualité.

 

Les trois doyens.jpg

 

Gérard Vilatte, Marie Amouroux-Praderie et Georges-Claude Lacaze, respectivement doyens des conseils municipaux de Belvès, Monplaisant et Sagelat.

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Daniel Gascou, le tout jeune doyen, de l'assemblée communale de St Germain doit être le plus jeunes des doyens du canton. Désolé je ne puis inclure les images de Jeanne Lavelle, Siorac et Edmonde Ségalat, Carvès.

 

 

Ce blog, aujourd'hui, veut, en premier lieu, saluer les doyens des conseils municipaux.

 

Quel rôle ont-ils ? Leur mission, pour la durée de la mandature, est strictement identique, à un détail près, à celle de leurs collègues. Ce détail est que lors de la première réunion de la mandature d'un conseil municipal le maire sortant, ou son délégataire, après avoir installé les élus, sortants reconduits et nouveaux élus, doit s'effacer, sauf s'il est lui-même le nouveau doyen, pour confier la présidence au doyen du conseil municipal pour procéder à l'élection du maire. Le doyen peut, lui-même, se dérober et, dans ce  cas c'est au vice-doyen, et ainsi de suite, que reviennent ces prérogatives.

Quand le maire est proclamé élu le doyen retrouve sa place aux côtés de ses pairs.

Un maire réélu qui ne se conformerait pas à cette règle s'expose à un recours citoyen, devant le Tribunal administratif, qui, sans provoquer des élections partielles, peut -et normalement devrait- entraîner la nullité de l'élection de la municipalité.

Sans rentrer dans le grandiose ce rituel qui donne pour cette première réunion du conseil municipal la place d'honneur au plus âgé des élus n'est pas sans rappeler la juste place que les jeunes générations depuis l'Antiquité doivent à leurs anciens.

J'ai personnellement été témoin, en 1983, de deux installations de conseils municipaux, dans les règles et celles-ci ne manquaient pas de grandeur dans leur sobriété. La première à La Trinité, commune aux portes de Nice, renversement de majorité, le doyen Baggiani, fort ému, installé par le maire sortant rendit hommage à ses parents, vieilles figures locales, à ses concitoyens qui avaient promu leur liste, à la Résistance où, très jeune, il avait pris place dans les conditions que nous imaginons et termina par un compliment pour ses concurrents défaits. La seconde à Tarbes dans les conditions émouvantes du décès de Paul Chastelain, terrassé au cours du dépouillement des bulletins du second tour. Le doyen, un ouvrier de l'arsenal, d'une sensibilité différente de celle du groupe dominant, lui aussi fort ému, salua post-mortem son vieux compagnon de travail, emporté quelques jours auparavant, et donna l'accolade à mon ami Raymond Erraçaret élu à l'unanimité. Les élus traditionalistes avaient eu la délicate élégance, dans les conditions douloureuses, de ne point présenter de candidat symbolique pour un simple baroud d'honneur.

A contrario j'ai connu deux curieux schémas ; inspiration hétérodoxe d'un maire que je ne souhaite point nommer. Il fit table rase du protocole et dès la réinstallation de son équipe fit procéder, sans bruissement ni murmure, à sa propre réélection. Cela ne changea pas la face du monde ni, certainement, le cours de l'histoire mais ce manquement, à mon humble sens, bien au-delà de son affranchissement du respect des règles, pour un pédagogue défiant la bienséance citoyenne, me semble particulièrement irrévencieux pour la déférence que l'on doit à ce qu'il nous reste encore des us républicains et, plus grave encore, au respect minimum que l'on doit à nos aînés. 

 

 

 

Robert Rougier doyen c;m St Amand.jpg

 

 

Robert Rougier, doyen des élus de St Amand, a du présider l'ouverture de la première séance de la mandature de 2001/2008 mais il a du, également, après l'élection partielle de 2003, présider l'ouverture de la première séance qui aboutit à l'élection de Brigitte Pistolozzi.

 

En effet on ne peut procéder à l'élection d'un maire qu'avec un effectif municipal au complet. Le douloureux décès prématuré d'Alain Collier entraîna donc une élection partielle qui, à l'unanimité, installa Michèle, son épouse  au conseil municipal.

 

 

Quelques doyens hors du commun. 

 

Tous méritent le respect pour leur contribution à la vie publique et citoyenne avec, aussi, un passé méritoire face à l'occupant. On notera que la sensibilité progressiste de beaucoup d'entre eux les écarta au maximum du domaine réservé du partage du gâteau. C'est un peu une revanche du privilège de l'âge qui leur donna  la première place pour une heure d'intense émotion.    

 

Les doyens de l'A.jpg

 

Marcel Cachin, Félix Kir, Arthur Musmeaux, Virgile Barel et Georges Hage . Tous ces doyens ont été des preux de la République y compris le chanoine qui n'eut, pour sa première élection, que le substantif de républicain à mettre comme étiquette. Pour un prêtre et de surcroit dans une période où la République avait bien du mal a être admise dans sa hiérarchie c'était non seulement courageux mais, aussi, exemplaire.

 

Gilles, Marcel Cachin né à Paimpol, le 20 septembre 1869, est mort à Choisy-le-Roi, le 12 février 1958.

Ce fils de gendarme et d'une fileuse professa la philosophie à Bordeaux pendant 15 ans. Toute sa vie, il fut très attaché au breton "langue de la paysannerie et du prolétariat breton".

Il accède à l'Assemblée nationale, pour la première fois, en 1914.

Son parcours atypique en aval du Congrès de Tours le conduit en prison pour ses prises de position contre l'occupation de la Ruhr et la présence française au Maroc.

En 1936, il est l'un des piliers du Front populaire mais, comme tous les élus communistes, est déchu de ses fonctions politiques en 1940. Pendant l'Occupation, confronté à la question des premiers otages suite aux attentats perpétrés contre les soldats allemands, il rédige une lettre dans laquelle il condamne les attentats individuels contre l'armée allemande. Il mène, pendant la guerre, une existence clandestine dans son village natal puis en région parisienne. Après la Libération, il reprend ses activités jusqu'à sa mort en 1958.

Après la guerre, il est député doyen de l'Assemblée nationale, et ce jusqu'à sa mort.

Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise, à Paris.

 

Félix Kir (Alise-Sainte-Reine22 janvier 1876 - Dijon25 avril 1968), plus connu sous le nom de chanoine Kir, est un prêtre séculier, chanoine et homme politique français. Résistant, il fut, après-guerre, député-maire de Dijon. Il a donné son nom à une boisson, le kir.

La Seconde Guerre mondiale permet au chanoine Kir d'exercer des responsabilités publiques. Le 16 juin 1940, alors que le maire de Dijon, Robert Jardillier, a quitté la ville, Félix Kir est nommé membre de la délégation municipale de Dijon. Il fait évader 5 000 prisonniers de guerre français du camp de Longvic. Cette activité lui vaut d'être arrêté par les Allemands d'octobre à décembre 1940, puis relâché ; mais il perd alors ses fonctions municipales. Il est à nouveau arrêté, deux jours, en 1943. Son attitude patriote lui attire l'hostilité des collaborateurs. Le 26 janvier 1944, il est victime à son domicile d'un attentat perpétré non par la Milice, mais par des Français à la solde directe des occupants. Blessé de plusieurs balles, il se soustrait aux recherches de la Gestapo en quittant Dijon, où il revient le 11 septembre 1944, jour de la Libération de la ville.

Il est nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1946 et cité à l'ordre de l'armée.

En mai 1945, il est élu maire de Dijon et le reste jusqu'à sa mort, étant réélu en 194719531959 et 1965. Il est conseiller général de Côte-d'Or et député à l'Assemblée nationale de 1945 à 1967, et inscrit au C.N.I. Il est le doyen de l'Assemblée nationale de 1953 à 1967.

 

Arthur Musmeaux,  naquit le 24 juin 1888 à Anor (Nord) et décéda le 5 juillet 1981 à Petite-Forêt (Nord). Cet élu du bassin minier du Nord siégea à l'Assemblée nationale de 1936 à 1973. Il fut conseiller municipal et conseiller général de Valenciennes. Bien entendu il fut déchu de ses mandats pendant la sombre période pétainiste.

Arthur Musmeaux eut l'immense joie de voir sa fille, Lily Musmeaux-Lefebvre, ceindre l'écharpe de maire de Raismes.

Arhur Musmeaux devint doyen de l'Assemblée nationale quand Hippolyte Ducos, l'élu du Comminges, décéda. Hippolyte Ducos se distingua à l'Assemblée, lors d'une de ses interventions  en s'exprimant en latin de bout en bout. Il n'est pas du tout certain que ceux de ses collègues qui ne dormaient pas aient tout compris.

 

Virgile Barel, né le 17 décembre 1889 à Drap (Alpes-Maritimes) et mort le 7 novembre 1979 à Nice. Il est le seul doyen de l'Assemblée nationale  que j'ai eu l'immense honneur de rencontrer à plusieurs reprises. Ce "monument" de la vie citoyenne de Nice eut pour une éphémère période, à la charnière de 1944/45, la destinée de sa ville, président de la délégation spéciale, on n'utilisa pas la terminologie de maire.

La carrière exemplaire de ce normalien, instituteur du modeste village de Castellar, père du polytechnicien Max Barel, torturé à mort par les nazis, ne manque pas de singularité. Il fut l'un des rares députés du P.C à garder son siège en 1968 ; qui plus est en étant élu dans le quartier de la Promenade des Anglais et du Vieux Port.

J'ai souvenance de l'avoir vu passer, à La Trinité, lors d'une banale manifestation citoyenne qu'il croisa fortuitement. Albert Sclavo, le maire de la localité, qui était considéré comme un fidèle de Jacques Médecin, apprenant cet arrêt, totalement inopiné et imprévu, de Virgile Barel, se dégagea du groupe avec lequel il dissertait pour aller présenter, sans la moindre hypocrisie, ses respects à ce vétéran estimé par tous.

 

 

Georges Hage est né le 11 septembre 1921 à Douai (Nord). Cet élu du bassin minier fut vice-Président de l'Assemblée Nationale de 1988 à 1993 et de 1994 à 1995. À cette époque l'ostracisme solférinien n'était pas à son apogée. Il faisait partie du groupe communiste. En 2002 il a été le "doyen d'âge" de l'Assemblée nationale française.

 

Pour la petite histoire Georges Hage, victime dans l'après-midi d'un malaise sans gravité, ne put monter au perchoir. Son discours était néanmoins prêt. Le vice-doyen, élu des beaux quartiers parisiens, l'UMP Gilbert Gantier, soixante-seize ans, a donc ouvert les débats mais il lui semblait impensable de lire le texte "ouvriériste" du doyen.

La période 2002-2007 a été le dernier mandat de Geotges Hage, son ancien suppléant Jean-Jacques Candelier, maire du village de Bruille-lez-Marchiennes, lui succédant.

 

Quittons l'Assemblée et filons vers le Luxembourg.

 

Paul Vergès, né le 5 mars 1925 à Ubon Ratchathani (Siam, actuelle Thaïlande), présente un cursus peu ordinaire. Cet ancien de Louis Le Grand et des F.F.L obtint son premier mandat électoral en 1955. Ce communiste réunionnais arbore son rejet du colonialisme, interpelle sur les thèmes des grandes causes humanitaires, apostrophe sur la surpopulation, la dangerosité du gâchis et le réchauffement de la planète. On comprend que ce grand personnage ait justifié tout le rejet viscéral de l'hégémonie, sans le moindre partage, "solférinien" pour l'évincer de la présidence de la Région de la Réunion.

Lorsqu'il ouvrit la dernière mandature du Sénat, le 27 septembre 2011, son merveilleux et poignant discours fut d'une portée intercontinentale qui méritera de rester dans les mémoires. 

 

 

Pierre Fabre. 



15/02/2014
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